Pour la première fois en Haïti, quelque 19 000 personnes ont basculé dans l’urgence alimentaire la plus aiguë, devant se contenter d’un seul repas par jour fait d’aliments de mauvaise qualité, a alerté l’ONU vendredi.
« Haïti est confronté à une catastrophe humanitaire […] et la gravité et l’étendue de l’insécurité alimentaire en Haïti s’aggravent », a indiqué aux journalistes le directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) pour Haïti, Jean-Martin Bauer, en vidéoconférence.
Un rapport du PAM publié vendredi montre qu’environ 4,7 millions de personnes, soit près de la moitié de la population du pays, connaissent des niveaux d’insécurité alimentaire aiguë.
Sur ce total, 19 200 sont classées en « Catastrophe » (phase 5 de la classification sur la sécurité alimentaire, soit le niveau le plus élevé) et 1,8 million en « Urgence » (phase 4).
Les ménages classés en phase 5 se trouvent tous à Cité Soleil, le plus grand bidonville d’Haïti. Cela représente 0,3 % de la population de cette commune des faubourgs de Port-au-Prince, selon l’analyse du PAM.
C’est « la première fois en Haïti » qu’il y a des personnes classées en phase cinq, a souligné M. Bauer, insistant qu’elles manquent des nutriments essentiels « dont les gens ont besoin pour survivre ».
Pour autant, l’ONU ne parle pas de « famine » car ce terme s’applique lorsque de larges pans de la population sont touchés.
Le PAM s’attend à ce que la sécurité alimentaire continue de se détériorer cette année dans le pays, parmi les plus pauvres de la région et l’un des plus vulnérables aux catastrophes naturelles.
Haïti est également tourmenté par des années d’instabilité politique, gangrené par les bandes criminelles et armées, et aussi victime d’une nouvelle éruption de choléra.
La situation économique est tout aussi précaire, et Haïti se trouve en proie à une forte inflation et a connu des émeutes, des pillages et des manifestations contre le premier ministre Ariel Henry après l’annonce de la hausse des prix de l’essence.
« Produire des aliments de meilleure qualité »
Le 9 octobre, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a réclamé l’envoi par la communauté internationale de troupes pour soutenir Haïti, qui a appelé à l’aide pour lutter contre les gangs armés.
Des milliers de Haïtiens ont manifesté le lendemain à Port-au-Prince pour protester contre le gouvernement et son appel à l’aide étrangère.
Haïti a l’un des plus hauts niveaux d’insécurité alimentaire au monde, et la situation s’est détériorée au cours des six derniers mois.
« Nous avons observé une augmentation de 200 000 personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë et une augmentation d’un demi-million de personnes en situation d’insécurité alimentaire d’urgence », a détaillé M. Bauer.
Dans un communiqué, le PAM souligne que l’insécurité et le manque de carburant entravent les opérations humanitaires en Haïti, et indique que les Nations unies et ses partenaires sont attachés à « l’importance de respecter les principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance pour que l’aide parvienne aux Haïtiens ».
En 2022, le PAM a fourni une aide d’urgence à plus de 100 000 personnes dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
« Nous devons aider les Haïtiens à produire des aliments de meilleure qualité et plus nutritifs pour préserver leurs moyens de subsistance et leur avenir, en particulier dans le contexte d’une crise alimentaire qui s’aggrave », a déclaré José Luis Fernández Filgueiras, représentant de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en Haïti, cité également dans un communiqué.
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