Le président sortant, battu ce dimanche soir par Lula, n’a toujours pas reconnu publiquement sa défaite. Son silence inquiète alors qu’il n’a cessé ces derniers mois de menacer de ne pas rendre le pouvoir.
On l’imagine tournant dans son lit, peinant à trouver le sommeil dans une chambre démesurément grande du Palais de l’Alvorada à Brasília, résidence des présidents brésiliens. Avant cela, celui qui est encore président pour deux mois a probablement suivi, comme tous ses compatriotes, le décompte des voix à la télévision. A moins qu’il n’actualisait toutes les 30 secondes la page du Tribunal supérieur électoral, transpirant à grosses gouttes à mesure que son avance sur Lula fondait comme neige au soleil. On le soupçonne même d’avoir laissé éclater sa rage lorsque l’ancien métallo a été déclaré vainqueur avec 50,9 % des suffrages exprimés, et plus encore quand, un à un, tous ceux avec qui il avait tissé des liens au pouvoir ont reconnu sa défaite pendant que les leaders politiques du monde entier se félicitaient du retour au pouvoir de Lula.
Ce ne sont cependant que des suppositions, car une dizaine d’heures après l’officialisation des résultats, la réaction de Jair Bolsonaro se fait toujours attendre. Lui qui, tout au long de sa présidence, nous a habitués à réagir au quart de tour au moindre fait politique, balançant à la pelle sur les réseaux sociaux et face à la presse des informations non vérifiées voire volontairement bidons, se mure depuis dimanche soir dans un silence aussi surprenant qu’inquiétant. Ses fils, habitués également à tweeter à tour de bras, ne se sont pas montrés plus loquaces.
D’après la presse brésilienne, le président d’extrême droite a passé la soirée au Palais de l’Alvorada avec Flavio, son aîné, qui était en charge de coordonner son équipe de campagne. Il s’est également entretenu avec celui qui aurait été son vice-président s’il avait été élu, le militaire Walter Braga Netto, mais a refusé de discuter avec ses ministres. A ceux qui tentaient de le joindre, il a été indiqué que le président était tout simplement parti se coucher, à 22 heures pétantes. Tant pis pour les dizaines d’aficionados qui s’étaient réunis devant le palais présidentiel, tout de jaune et vert vêtus, attendant une prise de parole de leur idole.
Alors que depuis plus d’un an, Jair Bolsonaro ne cesse de laisser planer le doute autour d’un scrutin qu’il annonçait d’avance (et sans preuve) frauduleux, sa réaction était particulièrement attendue. Pendant des mois, le natif de la petite ville de Glicério, dans l’Etat de São Paulo, a juré à qui voulait l’entendre que le système d’urnes électroniques, pourtant fiable depuis sa mise en place en 1996, servirait à fausser l’élection en sa défaveur. Une attitude qui laissait craindre une prise du Capitole à la brésilienne, l’armée en appui en plus.
Ces dernières semaines, le ton a néanmoins changé. Interrogé vendredi 28 octobre lors de son dernier débat face à Lula, le militaire assurait sans convaincre qu’il reconnaîtrait le résultat, même s’il perdait l’élection : «Il n’y a pas le moindre doute. Celui qui aura le plus de voix gagnera. C’est ça la démocratie.» Déclaration d’intention qui attend toujours concrétisation.
En coulisses cependant, Jair Bolsonaro aurait concédé sa défaite. Joint par Alexandre de Moraes, le président du Tribunal supérieur électoral qu’il déteste, le président sortant se serait montré «extrêmement poli» lorsque celui-ci lui a annoncé les résultats, le remerciant même au passage. Il ne manque plus qu’à faire de même publiquement pour que le Brésil puisse enfin souffler. Avant qu’un long processus de transition ne débute, aboutissant à la cérémonie d’investiture de Lula, le 1er janvier prochain.
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